La nucléosynthèse

D'où proviennent les atomes, comment sont ils synthétisés dans l'univers et à quel moment, ces questions ont une réponse commune, la nucléosynthèse.

On appelle nucléosynthèse la formation de noyaux plus lourds à partir de noyaux plus légers, par exemple:

3H + p → 4He + γ

(il faut lire: 1 tritium plus 1 proton donne 1 hélium + 1 photon gamma)

ou encore:

4He + 2H → 6Li + γ

(il faut lire: 1 hélium plus 1 deutérium donne 1 lithium + 1 photon gamma)

 

Le deutérium est un isotope de l'hydrogène (1 proton et 1 neutron), le tritium est un autre isotope de l'hydrogène (1 proton et 2 neutrons).

 

La nucléosynthèse peut être subdivisée en quatre types:

  • la nucléosynthèse primordiale qui a eu lieu durant les premières minutes du Big Bang
  • la nucléosynthèse stellaire qui se déroule durant la vie de l'étoile
  • la nucléosynthèse stellaire explosive qui se déroule lors de l'explosion des étoiles massives (supernova)
  • la nucléosynthèse interstellaire ou spallation cosmique responsable de la synthèse des éléments légers par les rayons cosmiques.

La nucléosynthèse primordiale

L'univers connu est actuellement décrit comme en expansion suite à un cataclysme initial appelé Big Bang. On estime à environ 13.7 milliards d’années l'âge de notre univers. Une très grosse majorité de la matière de l'univers actuel (plus de 98%) s'est formée au cours des premiers instants du Big Bang.

Voici une petite chronologie des premiers événements de l'univers:

Temps

Température

Évènement

10-43 s

1032 K

Temps de Plank.

Séparation de la gravitation et de la force électronucléaire.

10-35 s

1028 K

Séparation de l'interaction forte et de l'interaction électrofaible.

Inflation, expansion exponentielle.

10-33 s

1025 K

Début de la formation des particules élémentaires (quarks, antiquarks, électrons...).

Plasma de quarks et de gluons.

10-12 s

1015 K

Séparation de l'interaction faible et de la force électromagnétique, les quatre forces actuelles sont séparées.

10-6 s

1013 K

Formation des protons et des neutrons.

1 s

200 s

1010 K

109 K

Nucléosynthèse primordiale (deutérium, hélium, lithium).

380 000 ans

3000 K

Recombinaison des électrons.

Emission du fond diffus cosmique.

106 ans

 

Premières étoiles.

106 ans

 

Premières galaxies.

La nucléosynthèse primordiale intervient dans la troisième phase du Big Bang suivant ce que l'on appelle l'ère primordiale (ou ère de Plank) et la phase d'inflation. Elle est à l'origine de la formation des éléments simples: deutérium, hélium et des traces de lithium. Aucun élément plus lourd n'est formé. Actuellement plus de 74 % de l'univers (en masse) est composé d'hydrogène et environ 24% d'hélium. Bien que l'hélium soit également produit dans la nucléosynthèse stellaire, la très grosse partie de cet hélium résulte de cette nucléosynthèse primordiale, seuls quelques pourcents proviendraient de la formation dans les étoiles.

La nucléosynthèse stellaire

Les étoiles naissent au sein de régions où la densité des gaz interstellaires est plus grande. Ces gaz se contractent alors sous l'effet de la gravité. Cette contraction entraine un réchauffement qui finit par amorcer des réactions de fusion nucléaire au centre du nuage interstellaire. L'étoile est née. Une étoile est une boule de gaz en équilibre entre la gravité qui tend à la contracter  sur elle même et la pression exercée par les réactions très exothermiques qui s'y déroulent en son cœur. Consultez la figure 1 ci-dessous pour comprendre la structure d'une étoile, le soleil.

Fig. 1. Structure du soleil

 

Légende:

1 - Cœur de l'étoile, siège de la nucléosynthèse (du centre à 0,25 rayon solaire).

2 - Zone radiative (entre 0,25 et 0,7 rayon solaire).

3 - Zone convective (de 0,7 rayon solaire jusqu'à la surface visible).

4 - La photosphère (environ 400 km d'épaisseur)

5 - La chromosphère (environ 2000 km)

6 - La couronne solaire visible lors des éclipses totales

A - Parcours d'un photon depuis le noyau vers l'espace, très ralenti dans la zone radiative en raison de la densité de la matière.

B - Parcours d'un neutrino qui, interagissant très peu avec la matière, peut traverser l'étoile en ligne droite.

C - Compression due à la gravité.

D - Dilatation due à l'énergie produite au cœur de l'étoile.

 

Le cœur d'une étoile moyenne comme notre soleil est une zone très dense (de l'ordre de 150 000 kg/m3) et très chaude (15x106 K). Ces conditions permettent des réactions de fusion nucléaire qui transforme de l'hydrogène en hélium. En effet, les protons ayant la même charge électrique, se repoussent mutuellement. La densité du noyau de l'étoile leur permet d'acquérir suffisamment d'énergie cinétique pour qu'ils puissent fusionner.

Quatre atomes d'hydrogène fusionnent pour donner un atome d'hélium (contenant deux protons et deux neutrons) libérant au passage une grande quantité d'énergie.

La masse au repos de l'hélium produit est inférieure à la somme des masses au repos des deux protons et deux neutrons qui le constituent. C'est cette différence de masse qui est à l'origine de l'énorme quantité d'énergie de l'étoile, énergie qui peut être calculée à l'aide de la fameuse équation d'Einstein: E = mc2 où E représente l'énergie, m, la masse et c la célérité de la lumière.

Le soleil consomme environ 620 millions de tonnes d'hydrogène par seconde. Lorsque ce combustible va diminuer suffisamment pour ne plus entretenir les réactions de fusion, le cœur de l'étoile va se contracter. Cette contraction va entrainer une augmentation de sa densité et de sa température, qui va entrainer à son tour la dilatation de l'enveloppe de l'étoile. L'enveloppe étant moins dense, elle se refroidit, ce qui pour une étoile revient à émettre de la lumière dans le rouge: le résultat est ce que l'on appelle une géante rouge. Le cœur est plus chaud et dense (10 kg / cm3 et 2x108 K), ces nouvelles conditions permettent d'amorcer de nouvelles réactions de fusion de l'hélium jusqu'alors impossible à cause de la répulsion des noyaux d'hélium. La fusion de l'hélium génère du carbone et de l'oxygène.

Le même processus recommence lorsque l'hélium commence également à manquer. Le nombre de réactions de fusion diminue et le cœur de l'étoile se contracte à nouveau, offrant de nouvelles conditions plus propices à des réactions de fusion avec des noyaux plus lourds. Ces réactions continuent jusqu'à la synthèse de fer (Z = 26), son noyau étant le plus stable (la fusion du fer est endothermique, c'est à dire qu'elle consomme plus d'énergie qu'elle n'en produit).

La structure du noyau de l'étoile est alors composée de couches successives des divers éléments produits durant cette nucléosynthèse.

La nucléosynthèse explosive

Nébuleuse du Crabe

Lorsque l'étoile a brûlé tout son combustible, les réactions de fusion ralentissent, la gravitation l'emporte alors et l'étoile s'effondre sur elle même en implosant. La densité du cœur atteint 100 millions de tonne par cm3, soit la densité des noyaux atomiques. Ne pouvant se comprimer d'avantage, la matière qui arrive de l'enveloppe rebondit en une explosion gigantesque, c'est la supernova.

L'onde de choc et la chaleur produite permettent alors de générer par nucléosynthèse tous les autres noyaux atomiques au delà du fer et jusqu'à l'uranium, essentiellement par de la capture de neutrons. Les noyaux dont le nombre de protons sont supérieurs à l'uranium (Z = 92) se désintègrent spontanément par des réactions de fission nucléaire.

La photographie ci-contre  montre la nébuleuse du Crabe située à 6000 années-lumière dans la constellation du taureau. C'est ce qui reste de l'explosion d'une supernova observée sur terre en l'an 1054. (crédit photo: ESO)









La nucléosynthèse interstellaire ou Spallation cosmique

Les différents types de nucléosynthèses décrits jusqu'ici ne permettent pas d'expliquer la présence d'atomes de lithium (Z = 3), de béryllium (Z = 4) et de bore (Z = 5) dans les proportions observées dans l'univers. En effet les conditions qui règnent au cœur de l'étoile désintègrent facilement ces éléments en raison de leur faible stabilité.

Des particules (comme des neutrons ou des protons) ou des ondes électromagnétiques de grande énergie (des rayons cosmiques) qui frappent un noyau atomique provoquent sa  désintégration en noyaux plus petits. C'est ce processus appelé spallation qui depuis des milliards d'années est à l'origine des atomes de lithium, de béryllium et de bore dans le vide interstellaire, et ce malgré la faible probabilité de rencontres possibles.